Les notions de cure et de care, empruntées aux études scientifiques américaines, renvoient à deux approches complémentaires dans la prise en charge thérapeutique des individus, notamment des enfants. Ces concepts sont particulièrement utiles pour réfléchir à des pratiques de soin, comme l'art-thérapie, et à l'impact de la culture ou de l'esthétique sur le bien-être, via des mécanismes biologiques et psychologiques mesurables. L’art-thérapie est l’une des méthodes alternatives et complémentaires à la médicamentation les plus courantes, comme évoqué dans l’article Thérapies et méthodes alternatives : une approche globale de la médication chez les enfants, disponible sur notre blog !
La Tribu Happy Kids explore dans cet article l’impact thérapeutique du beau et de l’art thérapie chez les enfants, à travers les notions de cure et de care.
Cure et care : le double visage de la prise en charge thérapeutique
Empruntés aux États-Unis, les concepts liés aux termes cure et care font la distinction entre la notion de traitement et celle de soin. Tandis que le cure concerne les actions de réparation ou de traitement d’une maladie, le care regroupe les soins liés aux fonctions de la vie. De par leur appartenance à une autre langue, la traduction des termes, et par extension des concepts, peut varier.
Néanmoins, il est communément admis que le cure se concentre davantage sur le traitement de la maladie en tant que telle afin de réparer le corps. Le cure tente d’éradiquer la maladie, et pour cela les pratiques liées au cure traitent la maladie le plus indépendamment possible de l’humain. Pour cette raison, le cure néglige parfois l’entretien des fonctions de la vie ainsi que sa continuité (Fleury, 2015). C’est là que le care intervient. Le care se concentre sur les fonctions de la vie, veillant à ce que les individus continuent à vivre malgré la maladie, dans les meilleures conditions possibles (Demaison, 2011).
Les réflexions autour du soin et ce qu’il implique, tant pour le patient que pour le traitement de sa maladie, ont émergées dans les années soixante-dix, suite à une conférence du docteur Donald Winnicott. Dans l’ouvrage À quel soin se fier ? Conversations avec Winnicott réalisé sous la direction de Frédéric Worms et Claire Marin, des professionnels de la médecine, mais également des philosophes ou des sociologues, dialoguent autour de la bonne pratique du soin. Pour Claire Marin, écrivaine et enseignante de philosophie, intégrer le care au cure serait “la condition même de l’efficacité du soin”.
Les notions de cure et de care dans la prise en charge thérapeutique des enfants
Les notions de cure et de care apportent des perspectives complémentaires dans la prise en charge thérapeutique des enfants. Le cure et le care sont deux dimensions fondamentales de la médication qui, bien que distinctes, se rejoignent dans leur objectif d'assurer à la fois la guérison physique et le bien-être global des individus, en particulier des enfants.
L’importance du care chez les enfants
Les enfants, en raison de leur stade de développement, ont un besoin fondamental de care pour gérer leurs émotions et surmonter les situations de stress. L'attention affectueuse et empathique qu'implique le care contribue à leur sentiment de sécurité et les aide à mieux comprendre et exprimer leurs émotions. Dans ce contexte, l’art apparaît comme un outil privilégié, car il permet aux enfants d’exprimer des sentiments souvent difficiles à verbaliser.
L'expression créative permet également aux enfants de renforcer leur résilience, un aspect crucial du care. En participant à des activités artistiques, les enfants apprennent à donner un sens à leurs expériences, à développer leur confiance en eux et à mieux gérer l'adversité. Par exemple, les ateliers d'art pour enfants hospitalisés ne sont pas seulement un divertissement, mais un véritable moyen thérapeutique pour transformer leurs peurs et anxiétés en quelque chose de tangible et plus facilement maîtrisable.
L’art-thérapie chez les enfants : une illustration du care
Des études démontrent que l’art-thérapie, utilisée en complément des soins médicaux, contribue à améliorer le bien-être émotionnel des enfants tout en réduisant leurs niveaux de stress. Kaimal et al. (2016) ont montré que l’art-thérapie pouvait entraîner une baisse significative des niveaux de cortisol (hormone du stress) chez des enfants hospitalisés, facilitant ainsi leur processus de guérison. De la même manière, des ateliers de dessin ou de musique offrent aux enfants atteints de maladies chroniques une voie pour exprimer leurs émotions refoulées, contribuant à une meilleure adaptation psychologique (Malchiodi, 2013).
L’approche de care via l’art-thérapie permet de développer un espace sécurisant et bienveillant où l’enfant peut exprimer ses émotions non verbalisées, facilitant ainsi le traitement des traumatismes psychologiques. Selon certaines études, des enfants atteints de troubles du spectre autistique ou d'autres troubles de développement montrent des améliorations émotionnelles et comportementales lorsqu'ils participent à des ateliers d’art-thérapie (Karkou & Sanderson, 2006). Par ailleurs, cette approche constitue une forme d’accompagnement émotionnel qui aide à réduire l’anxiété, à surmonter les traumatismes et à favoriser l’estime de soi.
De ce fait, l'art-thérapie est une parfaite illustration du care car elle incarne pleinement les principes fondamentaux de cette approche : la bienveillance, l’attention à l’autre, et la prise en compte des dimensions émotionnelles, sociales et relationnelles du soin. Par ailleurs, les bienfaits biologiques de l’art-thérapie ont été étudiés et démontrés.
Impact biologique et hormonal de l’exposition au beau et des pratiques artistiques chez les enfants
La pratique culturelle, l’exposition à la beauté et l’art en général ont aussi des effets mesurables sur le bien-être biologique des individus, y compris les enfants. L’art et la beauté sont capables d'influencer des systèmes hormonaux et neurochimiques, contribuant à la réduction du stress et à l'amélioration de l'humeur. Voici quelques mécanismes biologiques clés :
- Ocytocine : l’ocytocine, souvent appelée “hormone du bien-être", est associée à l'attachement et à la réduction du stress. Des contextes de pratique artistique ou d'exposition à la beauté peuvent stimuler la libération de cette hormone, jouant un rôle crucial dans la régulation des émotions, notamment chez les enfants vulnérables. L’art-thérapie permet de créer des environnements où les enfants peuvent se sentir en sécurité et favoriser des liens de confiance, facilitant ainsi la production d’ocytocine (Uvnäs-Moberg, 1997).
- Dopamine : l’engagement avec l’art, que ce soit à travers la musique, la peinture ou d’autres formes d’expression, est lié à la production de dopamine, une hormone associée au plaisir et à la récompense. Par exemple, une étude menée par Chanda et Levitin (2013) a montré que l'écoute de musique stimulait la production de dopamine, renforçant les sentiments de bonheur et de satisfaction. Cette libération de dopamine est bénéfique pour les enfants, car elle peut améliorer leur humeur et leur motivation à interagir avec leur environnement.
- Cortisol : l’une des hormones les plus directement liées au stress, le cortisol, peut également être influencée par les pratiques culturelles. Les enfants hospitalisés ou soumis à des situations stressantes peuvent bénéficier d'une exposition à la beauté ou à des ateliers artistiques pour diminuer significativement leurs niveaux de cortisol. Une étude de Kaimal et al. (2016) a révélé que la participation à des séances d'art-thérapie réduisait les taux de cortisol de 25% en moyenne, favorisant ainsi un meilleur rétablissement et une réduction du stress.
L’utilisation de l’art-thérapie en milieu hospitalier
L’art-thérapie, qui peut s’adapter à diverses pathologies, est de plus en plus utilisée en milieu hospitalier pour accompagner les enfants dans leur processus de guérison ou favoriser leur bien-être malgré la maladie.
L’art-thérapie pour améliorer le bien-être des enfants atteints du cancer
Les enfants atteints de cancer, confrontés à des traitements lourds comme la chimiothérapie, bénéficient souvent d’ateliers d'art-thérapie pour gérer leur anxiété et leur douleur. Des sessions de peinture ou de modelage sont utilisées pour leur permettre d'extérioriser leurs peurs et leur stress. Ces activités d’art-thérapie améliorent leur bien-être psychologique et leur permettent de se distraire des soins médicaux intrusifs. Une étude menée par Favara-Scacco et al. (2001) a démontré que l’art-thérapie réduit le niveau d’anxiété chez les enfants en traitement pour le cancer.
L’art-thérapie pour les enfants hospitalisés en pédiatrie générale
Dans des services pédiatriques généraux, des ateliers de dessin ou de collage comme outils thérapeutiques sont souvent organisés pour les enfants hospitalisés. Ces ateliers d’art-thérapie permettent aux enfants de se réapproprier l’espace hospitalier en exprimant leur créativité. Kaimal et al. (2016) ont montré que les enfants participant à ces ateliers voyaient leur taux de cortisol (hormone du stress) diminuer, ce qui contribue à leur rétablissement.
L’art-thérapie pour les enfants souffrant de troubles psychiatriques
Les enfants souffrant de troubles psychiatriques tels que la dépression, les troubles anxieux ou de troubles de stress post-traumatique bénéficient d'ateliers de peinture ou de création de mandalas, qui les aident à externaliser leurs émotions difficiles et à développer leur capacité d’introspection. Selon des études, ces ateliers favorisent une amélioration de l’humeur et une meilleure gestion des émotions (Chapman et Morabito, 2010).
En conclusion, l’impact de la pratique artistique et de l’exposition à la beauté sur le plan biologique et hormonal est bien documenté, notamment chez les enfants. Que ce soit à travers la réduction du cortisol, l’augmentation de la dopamine ou la stimulation de l'ocytocine, ces pratiques offrent des effets bénéfiques mesurables qui complètent les soins traditionnels en favorisant à la fois la guérison et le bien-être émotionnel. Ces mécanismes illustrent comment des pratiques culturelles et esthétiques peuvent avoir un rôle essentiel dans la prise en charge holistique des enfants, en alignant les dimensions du cure (guérison) et du care (bienveillance).
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Sources
Ainsworth, M. D. S. (1989). Attachments beyond infancy. American Psychologist, 44(4), 709-716
Bluebond-Langner, M., Belasco, J. B., & Goldman, A. (2007). Understanding parents' approaches to care and treatment of children with cancer when standard therapy has failed. Journal of Clinical Oncology, 25(17), 2414-2419.
Chanda, M. L., & Levitin, D. J. (2013). The neurochemistry of music. Trends in Cognitive Sciences, 17(4), 179-193.
Chapman, L., & Morabito, D. (2010). The effectiveness of art therapy interventions in reducing post-traumatic stress disorder (PTSD) symptoms in pediatric trauma patients. Art Therapy, 27(2), 67-73.
Demaison, C. (2011). Le concept de “care” : Les soins liés aux fonctions de la vie. GRIEPS.
Favara-Scacco, C., Smirne, G., Schiliro, G., & Di Cataldo, A. (2001). Art therapy as support for children with leukemia during painful procedures. Medical and Pediatric Oncology, 36(4), 474-480.
Feeney, B. C., & Collins, N. L. (2015). A new look at social support: A theoretical perspective on thriving through relationships. Personality and Social Psychology Review, 19(2), 113-147.
Fleury, C. (2015, janvier 29). Le care-cure. L'Humanité.
Kaimal, G., Ray, K., & Muniz, J. (2016). Reduction of cortisol levels and participants’ responses following art making. Art Therapy, 33(2), 74-80.
Karkou, V., & Sanderson, P. (2006). Arts Therapies: A Research-Based Map of the Field. Elsevier.
Malchiodi, C. A. (2013). Art Therapy and Health Care. Guilford Press.
Salimpoor, V. N., Benovoy, M., Larcher, K., Dagher, A., & Zatorre, R. J. (2011). Anatomically distinct dopamine release during anticipation and experience of peak emotion to music. Nature Neuroscience, 14(2), 257-262
Uvnäs-Moberg, K. (1997). Oxytocin linked antistress effects: The relaxation and growth response. Acta Physiologica Scandinavica, 640(Suppl.), 38-42.
Worms, F., & Marin, C. (2015). À quel soin se fier ? Conversations avec Winnicott. Presses Universitaires de France.